LEO KUPPER
LEO KUPPER
LEO KUPPER
LEO KUPPER
Award
About LEO KUPPER
De la musique technologique à la musique tout court…
Quelles que soient les techniques musicales que l’humanité développe continuellement au cours de l’histoire, quelle que soit la progression logarithmique des musiciens-compositeurs, des œuvres crées puis jouées, quels que soient aussi les moyens de diffusion mondiaux (qui, entendus simultanément, constituent une cacophonie électromagnétique indéchiffrable). Lorsque ces musiques atteignent les milliards d’oreilles de l’humanité journalière, que cherchent-ils à trouver exactement ? C’est la question fondamentale que pourrait se poser tout humain sensé et surtout tout musicien de bonne volonté. Dans toute voie, il faut bien commencer par un bout du chemin (un long voyage commence par un pas).
Megadisc Classics : Comment avez-vous découvert la musique électronique ?
Leo Kupper : C’est un long cheminement. Je dirais que je suis entré en contact avec la musique électronique avant même que je la connaisse. Le milieu d’une nature riche en chants d’oiseaux, d’insectes et de batraciens, lors de mon enfance, avait attiré mon esprit vers un monde nouveau de sonorités que je retrouvais, étrangement, dans les premières musiques électroniques. Lors de mes études universitaires à Liège, le long de la Meuse, je pouvais entendre, émanant de la tour cybernétique (construite par Nicolas Schöffer) de la Boverie à Liège, la musique électronique de Henri Pousseur (réalisée au studio Apelac et composée avec un ring modulateur). Cette sorte de musique électro-technique a sonné, à cette époque, comme particulière, ce qu’elle est encore aujourd’hui pour beaucoup d’auditeurs.
MDC : Stockhausen pensait que la musique devait changer après la Seconde Guerre mondiale. Que les compositeurs avaient la responsabilité de lui conférer un sens nouveau. Avez-vous éprouvé le même sentiment durant cette période de collaboration avec Henri Pousseur ?
LK : L’évolution générale de la musique comme art est plutôt lente. Le siècle vingtième a davantage été un siècle musicologique (songez que la majorité du public ne connaissait pas Antonio Vivaldi avant la guerre). Les musiciens et les musicologues ont donc déchiffré le passé (du moyen-âge à l’âge baroque), puis ils ont voulu intégrer, dans la culture européenne, celles des autres nations ( le Japon, la Chine, l’Indonésie, l’Inde, l’Iran, le monde arabe, les Amériques … : ce que l’on a appelé les musiques ethniques ou musiques du monde). La musique électro-technique, bien qu’utilisant des outils de fabrication nouveaux (et ceux-ci, par la force, créent un autre langage, pas forcément nouveau, mais différent), paraissait alors nouvelle. Elle l’est, actuellement moins. L’important est toujours l’art, la force du langage, la qualité spirituelle des matériaux utilisés, l’extrême sensibilité dans la domination de la matière sonore à tous les niveaux (car la musique utilise la matière sonore tout en cherchant par tous les moyens à s’en débarrasser pour ne plus laisser subsister que la signification de son langage).
MDC : Depuis les années 60, des éléments électroniques sont introduits dans la musique pop. Les années 70 et 80 ont vu arriver sur le marché du matériel technique abordable qui a permis la production de musique à la maison au lieu de passer par un studio au coût exorbitant, et cela sans vraiment avoir une formation musicale. Quelle est votre opinion à ce propos ?
LK : La démocratisation d’un art quel qu’il soit est toujours positive. Dans le cas contraire, seul, quelques privilégiés tendraient à démontrer qu’eux seuls sont doués et la majorité devrait subir leur joug (comme ce fut le cas au cours de l’histoire). La beauté appartient à tout le monde. La vérité appartient à tout le monde, la spiritualité appartient à tout le monde et il suffit de vouloir travailler durement, d’apprendre encore et encore pour s’instruire (le processus est sans fin) pour atteindre enfin, après un long chemin d’optimisme constructeur, une expression artistique ou spirituelle (celle-ci apportant, à son tour, aux autres, un bien culturel).
MDC : Rencontrez-vous un intérêt de la part d’un public plus jeune qui a grandi avec la musique électronique ? Avez-vous un avis sur la culture type, est-ce que vous la sentez reliée à la composition électroacoustique ou est-ce une comparaison trop facile, un raccourci ?
LK : Le premier à vivre du plaisir de composer est certes le compositeur. S’il n’éprouve pas ce sentiment en continuité comment pourra-t-il résister à la solitude du compositeur de musique électro-technique, en studio, devant ses machines. S’il n’éprouve pas le besoin intense d’être à la recherche de la beauté dans toutes ces sonorités brutales et primitives (il est un chercheur d’or sonore), comment résistera-t-il aux problèmes complexes des logiciels, à la résistance pesante de la matière, aux problèmes financiers de tous les jours. D’abord découvrir puis chercher méthodiquement en fouillant la matière sonore. Se discipliner à l’extrême. Ensuite toutes vos actions (disques édités, écrits divulgués, concerts réalisés) apparaîtront sur Internet. Les disques édités seront achetés et écoutés par un public que vous ne connaissez pas. La route est longue pour une reconnaissance (celle-ci peut être passagère et s’évanouir). Il faut donc du temps (souvent beaucoup de temps avant que vos messages esthétiques ne s’impriment dans l’esprit public). Certes, je ne puis me plaindre. Tant de concerts réalisés, tant de travail en commun avec les chanteuses et les chanteurs. Il reste et c’est là qu’intervient la technicité positive que toutes ces expressions du passé sont soigneusement sauvegardées (d’abord sur bandes magnétiques, puis sur cassettes, puis sur ordinateur, puis sur clés électroniques et disques durs, etc.). Les messages du passé ne se sont pas évaporés, ils sont là (et changent lentement : mais nous pouvons les recopier et les dupliquer). C’est aux nations du monde d’extraire ce qui lui apporte un bien social.
MDC : Comment avez-vous appris à jouer et à devenir un spécialiste du Santur ? Dans quel contexte, cet intérêt est-il né et comment s’est-il développé ?
LK : C’est une chaîne karmique (vous dira un hindou). Une chose en entraîne une autre qui engendre la suivante et cela en continuité. Le fait d’avoir été invité comme musicien à la Télévision dans les années soixante (quasi tous les films alternaient le muet – qu’il fallait musicaliser – et le texte parlé). De la sorte, il fallait connaître toutes les musiques disponibles et il a fallu donc que je tombasse sur un disque de Alain Daniélou (musicologue) concernant l’Iran. Coup de foudre pour la musique au Santur d’Hossein Malek (grand maître de l’instrument). Départ immédiat (ou presque pour Téhéran) en 1973. C’est là que j’ai appris auprès d’un homme généreux et d’une spiritualité exemplaire, pas seulement à jouer le Santur, mais surtout à quoi doit servir la musique dans la société. Ce fut une révolution. Cette dualité entre la musique technologique et celle du Santur (qui apparaît sur un bas relief d’Assurbanipal – 667- 626 avant notre ère -) a été déterminante. C’est, justement, la musique électronique qui a ouvert les horizons vers toutes les autres cultures.
MDC : Écoutez-vous la musique actuelle ou de la musique en général ?
LK : La beauté est universelle. Elle montre des milliards de visages, tous différents, mais aussi tous semblables. La musique électro-technique n’en fait aucunement exception. Pour créer de la beauté, il vous faut un ou de multiples exemples de beautés parfaites. À cette beauté sublime vous comparez les vôtres, vous faites des efforts pour la rejoindre sans jamais l’atteindre. Toujours, comme un mirage, elle est devant vos yeux (devant vos oreilles) vous la voyez en songe, vous la voyez éveillé et vous travaillez, travaillez pour la construire et l’atteindre. N’est-ce pas là un beau jeu de vie ? Il n’est donc pas sage d’exclure, mais d’inclure toutes les beautés.
MDC : Vos dernières oeuvres ont quelque chose qui relève de la science-fiction, un peu comme une beauté angélique. Où trouvez-vous votre inspiration ? Pouvez-vous nous donner quelques exemples ?
LK : Angélique provient du latin « angelicus » proche de « angelus » (ange messager de Dieu – Zoroastrien -). Dans l’informatique (et c’est ici que le mot nous intéresse davantage), un système angélique est un système non déterministe qui cherche à atteindre un état final désiré (angélique, démoniaque, chaotique…). Si nous concevons l’angélique dans cette dernière dimension alors la construction musicale est une réalité qui part du chaos et se dirige vers un ordre bien déterminé. Dans Paroles sur langue, Paroles sur lèvres, il existe plusieurs passages musicaux qui tendent vers cet état angélique, mais d’autres passages dévoilent aussi un aspect « démoniaque » (désordre construit). Ne ne vivons pas uniquement des moments « instants », mais toute une vie est mémorisée dans le cerveau. Le compositeur (si l’on compare le cerveau à la complexité d’une galaxie) travaille dans cette galaxie. Il y établit des chemins, des structures, une architecture. Il y contrôle (autant que possible) des influx nerveux. Il vise, revise au moyen de formes un état mental (de neurones et de synapses) spécifique par des essais répétés inlassablement jusqu’à ce que des portes mentales s’ouvrent. C’est peut-être de cette image que naissent ces notions d’angélique et de science-fiction. Mais nous sommes bel et bien dans un réel (matériel). La recherche est donc d’aboutir à ce que, antérieurement déjà, on a trouvé. La suite des compositions en est un exemple. Chaque oeuvre est une expédition dans la terre inconnue du cerveau.
MDC : Il existe, aujourd’hui, une multitude de musiques diverses, comment les percevez-vous ?
LK : Il existe un mot en allemand « Lautsprechermusik » (musique de haut-parleurs) que j’apprécie, car il résume bien la situation actuelle. D’une part se continue la pratique de la musique acoustique (avec des instruments non électriques), celle qui nous sauve dans le cas d’une panne électrique générale et, d’autre part, la musique qui se joue et s’écoute sur haut-parleurs. Nous sommes tellement habitués à ces musiques de haut-parleurs que nous ne nous en rendons plus compte et cette habitude deviendra la norme future. Mais cette musique de haut-parleurs (comme le mot l’indique) est une musique qui est technologique et qui parle haut : ce qui n’est pas une qualité ! La « musique naturelle », celle qui émane directement de la nature parle elle plutôt bas (c’est une musique qui développe l’ouïe par ses douceurs, ses espaces et ses mouvements – je parle des sons de la Nature non industrialisée -), tandis que celle des haut-parleurs est davantage « punitive » (dans le sens qu’elle ne respecte pas toujours les obligations de l’audition). L’ouïe est trop souvent négligée (comme si nous ne l’entendions pas). Près de 6% des 15-24 ans, 20% des 35-44 ans et environ 65% des 65 ans sont atteints de déficits auditifs. Nous supportons les musiques punitives parce que notre société aime être mal traitée (la plupart des travaux que nous accomplissons sont punitifs – croissance, hâte et vitesse obligent -). « Vous voulez encore recevoir un saut d’eau sale dans la figure », disait le moine au disciple non dégrossi. Moi, je n’aime pas tellement recevoir des sceaux d’eau sale dans la figure et mon travail de compositeur consiste surtout, avec des haut-parleurs, à lutter contre eux.
MDC : Quelles techniques (ordinateurs, logiciels, etc.) préférez-vous utiliser dans votre travail de composition ?
LK : J’ai toujours apprécié la voix des humains. Celle-ci, par une lente évolution, s’est enrichie et différenciée des chants de la vaste nature. Au parler, se sont ajoutés les chants du monde (imaginez quelle richesse cela représente !). Depuis mes débuts (avec Electro-poème), j’ai parcouru des voies de recherches multiples. Le parlé nouveau, le récité original, l’expression litanique, le semi-chant, le plein chant, le sur-chant et actuellement l’expression logatomique (qui est une forme d’expression tout à fait nouvelle puisqu’elle se compose de tout un monde d’expressions impulsives et de micro-bruits captés par microphone et amplifiés au bord de la bouche et du nez). Cet ensemble de sonorités (provenant des chanteurs ou du logatomiste) est intégré tel quel dans les oeuvres composées ou bien transformé par des logiciels informatiques (par exemple Max ou Metasynth). Actuellement, nous vivons une nouvelle révolution dans le chant. En effet, les chanteurs (en solo ou en groupes) – soprano, alto, ténor, basse, enfant – sont enregistrés professionnellement (les microphones ont atteint un haut niveau de fidélité). Ces chants sont mis en mémoire puis commandés par MIDI en monodie ou en polyphonie (de la sorte, on chante avec ses doigts et non plus avec sa bouche). L’ordinateur dispose ainsi d’un ensemble chanté variable avec des matrices de mots abstraits ou non que l’on articule suivant un programme ou librement au hasard. C’est une révolution dans l’art de chanter. Les variations des chants ne proviennent plus des chanteurs eux-mêmes, mais des logiciels joués par le compositeur. Extraordinaire !
MDC : De la sorte vous avez longuement travaillé avec différents chanteurs. Quelle a été leur contribution dans votre expression sonore ?
LK : Par le fait que tous les chants exprimés par ces chanteurs sont abstraits, notre impulsion première est l’expression inconsciente de la personne chantante. Celle-ci intervient donc fortement comme générateur premier. Que ce soit Barbara Zanichelli (dans les chants abstraits de la Nature) ou Anna Maria Kieffer (dans son expression la plus intime, en relation avec sa vie de Brésilienne), que ce soit Nicholas Isherwood dans les « chants sacrés » toujours abstraits et inventés dans un contexte sonore d’accompagnement difficile (en mouvances tonales), que ce soit Jean-Claude Frison dans ses capacités exceptionnelles d’expression logatomique, tous ces artistes du vocal ouvrent un milieu inconscient riche et varié, avec une phraséologie personnelle bien nouvelle et un vocabulaire jamais encore ouï. Ils apportent énergie, élégance et intelligence, mais surtout un humanisme si important dans le monde technologique actuel.
MDC : Sur quelles règles, quelles lois et quels principes sont construites vos oeuvres ?
LK : Dans la musique sérielle, la série était devenue la règle de conduite. Le compositeur pouvait ainsi créer ses oeuvres sur le « papier » (d’une façon abstraite, voire au moyen du calcul : permutations de ces 12 informations, arrangements et combinaisons) sans trop tenir compte des lois parallèles comme les relations harmoniques verticales des sons et les relations psycho-acoustiques autant verticales qu’horizontales. Cette contradiction était un grain de sable dans les oeuvres (même si l’on avait décidé d’office que tous les 12 sons étaient équivalents). Il y avait une contradiction entre le physique et le psychique. Dans la musique électro-acoustique, le compositeur est d’abord débordé par la quantité de sonorités à maîtriser (ici, l’on a décidé que tous les sons peuvent devenir musicaux, que toutes les combinaisons et leurs arrangements peuvent obtenir une valeur esthétique). Dans ces quatre oeuvres que présente Megadisc Classics (Aviformes, Kamana, Paroles sur langue, Paroles sur lèvres, Santur et Oscines), tout d’abord, il y a, pour un seul compositeur, beaucoup d’interprètes qui travaillent dans des sens personnels bien spécifiques (richesse de base humaine). Mais la science de la composition utilisée ici se base avant tout sur la théorie de l’information (science de l’information) et de la psycho-acoustique (dont les lois complexes décrivent nos perceptions). Ces diverses lois, bien que non exhaustives, ne sont toutefois pas une fin en soi (en parallèle, réagissent constamment l’intuition musicale et le but de sa finalité). Ainsi existent, constamment, dans le travail de composition, une connaissance et un observateur-juge qui ordonne (par un travail incessant) l’oeuvre, au départ, désorganisée (matériaux) vers un ordre hautement discipliné (qui, lui, est sans fin).
MDC : Quels sont les buts et les idéaux que vous cherchez à atteindre par votre art sonore ?
LK : Tout d’abord atteindre un certain niveau de beauté (cette beauté certes a tellement changé durant ce dernier siècle qu’il semble superflu d’utiliser encore ce mot). Néanmoins pour moi, malgré toutes les laideurs, ce mot est lié au mot santé. Beauté et santé sont unifiées. Je pense tout d’abord à la santé de l’audition (j’imagine difficilement une beauté qui détruise l’organe de l’audition). Ensuite, je pense à la santé du mental (qui est comme une audition du monde). Si celle-ci est détruite, la laideur se présentera tout de suite. La bonne santé de l’audition et du mental sont les piliers de la beauté. D’autre part, depuis des millénaires (nous ne sommes pas les premiers humains), des êtres aussi sensibles si pas plus que nous ont tracé des chemins (des chemins de beauté : il peut s’agir aussi de beauté spirituelle) qui restent des exemples à suivre. Il existe des états mentaux (d’ordre réellement physico-matériel et non illusoire) dans nos structures de neurones, de synapses et d’influx nerveux que nous avons tendance à perdre parce que nos sociétés ont la tentation d’effacer ces états. Eh bien ! La musique est un moyen matériel de recréer ces états perdus ou d’en créer de nouveaux et c’est en ce sens que le but et l’idéal sonore se rejoignent.
MDC : Quels furent les premiers chemins de recherches dans les années 60 et 70 ?
LK : Étant descendu de la campagne dans les villes, j’ai emporté avec moi une partie importante de cet environnement naturel. Durant deux à trois décennies, j’ai donc tenté, en quelque sorte, d’amener en ville ce que j’avais tant aimé à la campagne (ses vastes paysages, les silences, les chants d’oiseaux, la caresse du vent dans les branches…). Dans la ville régnait le tumulte, le bruit des machines, l’agitation omni directionnelle. Dans cet état, à cette époque, la pauvreté imposait son blocage culturel, car sans argent vous êtes réduit à néant. Grâce au travail de musicien à la télévision, une résurrection a été possible. Ayant acquis le savoir électronique pour construire des machines (car celles-ci étaient spécialement chères), j’ai commencé par construire une grande machine : le « GAME » (Générateur Automatique de Musique Électronique) et ses automates sonores. Mon but était de synthétiser une « nature sonore électronique » dont le résultat a été démontré à la Biennale di Venezia en 1986. Tout cet appareillage (en y ajoutant les appareils contrôlés en MIDI) était stimulé par les voix du public. Celui-ci pouvait voir ses voix sur écran et entendre le résultat de ses influences sur un ensemble de plus de 300 sources sonores distribuées sur la coupole sonore et tout alentour : une vraie jungle sonore. En venant de la campagne, le paramètre de l’espace était bien développé par les exercices que la nature vous impose (comme d’ailleurs l’amour des impulsions et des bruits colorés autant que des sons harmoniques complexes). Mon modèle était la « Nature » et je n’avais qu’à l’imiter par la technologie. C’est dans cette voie aussi que j’ai été poussé vers les coupoles sonores (construites à Roma, 1977, Linz, 1984 et Venezia, 1986). Certes, ces structures m’ont obligé à mesurer psycho-acoustiquement nos limites de perception de l’espace sonore, mais aussi à déterminer notre hyper-sensibilité pour ce paramètre (environ 6.300 sensations).
MDC : Et sur le plan de la création musicale !
LK : Là, en effet, il y avait un problème ! La « nature sonore électronique » déclenchée par le public était un travail d’ingénieur-programmateur. Celui-ci était à l’arrière-plan et n’intervenait pas comme musicien. Il était un « créateur invisible ». C’est le public qui stipulait les machines et c’était sa « musique » (c’est d’ailleurs pour cela que le succès était garanti). Nous avons donc pris contact avec de jeunes acteurs, puis avec des chanteurs pour former un ensemble vocal avec lequel on pouvait réaliser des concerts vivants (en performance). Et de la sorte, des rencontres fructueuses se sont établies sur le plan international. Toute une période a été, en parallèle, consacrée à développer l’art du chant nouveau (recherches-expériences, analyse théorique puis pratique). Cette voie est toujours en cours.
MDC : J’imagine que vous avez, à l’approche de cette fin de parcours, voulu sauvegarder ces découvertes techniques, spatiales, vocales, esthétiques ?
LK : Les pensées apparaissent puis disparaissent. Il faut les fixer sur un support. Un demi-siècle de recherches ne peut pas s’envoler à jamais. L’académie internationale de Bourges dont j’étais membre fut un excellent début pour s’y attacher. Bien sûr, comme tout compositeur théoricien, de nombreux articles ont été édités dans des revues. Ce sont les deux livres « Aventures Sonores et Musicales » (de 1960 à 2013) qui résument les découvertes psycho-acoustiques, les réalisations techniques, les constructions de coupoles sonores, les concerts, les disques édités (14), les analyses d’oeuvres ainsi que des généralités.
MDC : J’imagine qu’en parallèle, une discipline vous tenait à coeur !
LK : En effet ! Bien qu’à l’origine d’éducation allemande, je me suis attaché à la langue française tant et si bien (pour sa légèreté, son allégresse et son humour) que je me suis, à travers elle, passionné pour la poésie du monde et écrit des livres de poésie (dont « Entre le sourire et les larmes », édition Panthéon). La proximité de la musique et de la poésie (surtout dans les recherches sur les langages abstraits) est certaine. L’une se développe en parallèle avec l’autre. La Perse demeure par moi un beau modèle. Même dans les ascenseurs, là-bas, se déclame les vers de Hafez :
« Ouvre les yeux et le cœur,
Alors tu auras la vision de l’âme
Et tu percevras l’invisible.
Si tu rejoins la contrée de l’amour
Tu verras tout l’univers comme un Eden ».
Bruxelles, Janvier 2017
AVIFORMES. 2009. 10:45
Work for Soprano and songbirds. Barbara Zanichelli: Soprano
Aviformes is made up of natural and electronic birdsongs in a powerfully organised dialogue with a soprano. The birdsongs from round the world have become electronic materials, a language of abstract articulation, with its own grammar and syntax. In that way, they are no longer heard as birdsongs in Nature but as a musical language (with plays of pitches, particular timbres, specific forms and, above all, a subtle, fleet discourse).
The sonorities of the oscines (songbirds) are not noted down by a reductive solfeggio, but the complex original serves as material. This material, which Nature generates from the sinusoidal to complex noises, so from the periodic to the random, is particularly rich in forms, timbres and spatial dimensions. The songs of the soprano are composed in pitches (but above all as an abstract language of timbres) in close dialogue with the language of Nature. Recording in the field is especially difficult owing to the multiple parasites (Man’s industrial Nature aggresses virginal Nature), but above all because of the cacophony with which Nature presents its singers in random disorder (of a multiphonic order, the sound encounters are of a somewhat random synchronism).
It is impossible to ask a talented bird soloist to perch before a studio microphone for a quality recording. The collected material is thus full of imperfections, parasites, defects (not to mention the ‘chattering’ so characteristic in Nature). On the other hand, what Nature teaches us musically is exceptional for a musician. Nature spends its energy sparingly (if the 1 represents sound and the 0 silence, in 1-0 alternations, the 1s are almost always smaller than the 0s, regardless of the micro- or mesoscopic level, not to mention the macroscopic).
The articulated sounds are ethereal, light (it is almost articulated silence). in that way, Nature avoids any auricular fatigue (hearing is at its sharpest) and does not emit brutal sounds. ‘Fade-ins and -outs’ are especially refined and practiced by the majority of oscines. Nature also avoids static, frozen sounds. Certain oscines (like the nightingale) produce ‘fade-ins’ that are imperceptible to the human ear (we perceive the sounds after their fade-in). This avoids any subconscious sound shock. In Nature, sonorities are emitted in multiphony, and space is fundamental in perception (this spatial distribution in three directions is a marvel of musicality).
Birds, insects and batrachians have sound secrets that are gems for a musician.
The structure of Aviformes is in the form of seven sequences composed like miniatures (delicate micro-forms, precision and velocity of forms, horizontal and vertical complexities, phraseology in synchronism with the songs) imagined like a new musical sound nature.
When listening to this work, it is preferable to measure the intensity of the listening starting from the level of the singer (it must seem natural), because the spectra of bird sounds can climb in the field of frequencies (frequencies between 6 and 10 kHz, at an average level, are still perceived by young ears!). The weaker the levels, more sounds will disappear upon listening.
The emotions that are born from the sounds of Nature are not sentimental: it is another type of emotion that appears (energy, clarity, speed…). It is, in a way, a mental cleansing.
AVIFORMES. 2009. 10:45
Oeuvre pour Soprano et chants d’oiseaux. Soprano : Barbara Zanichelli
Aviformes se compose de chants d’oiseaux naturels et d’oiseaux électroniques en dialogue fortement articulé avec un soprano.Les chants d’oiseaux du monde sont devenus des matériaux électroniques, une langue d’articulation abstraite, avec sa grammaire et sa syntaxe. De la sorte, ils ne s’écoutent plus comme des chants d’oiseaux dans la nature, mais comme un langage musical (avec des jeux de hauteurs, des timbres particuliers, des formes spécifiques et surtout un discours subtil et véloce). Les sonorités des oscines (oiseaux chanteurs) ne sont pas transférées par un solfège réducteur, mais l’original complexe sert de matériau. Ce matériau que la nature génère du sinusoïdal aux bruits complexes, donc du périodique à l’aléatoire est particulièrement riche en formes, en timbres et en dimensions spatiales. Les chants du soprano sont composés en hauteurs (mais surtout comme langage abstrait de timbres) en dialogue étroit avec le langage de la nature. Les prises de son dans la nature sont particulièrement difficiles à cause des multiples parasites (la nature industrielle de l’homme agresse la Nature virginale), mais surtout à cause de la cacophonie avec laquelle la Nature présente ses chanteurs dans le désordre et l’aléatoire (d’ordre multiphonique, les rencontres sonores sont d’un synchronisme plutôt aléatoire). Il est impossible de demander à un oiseau soliste doué de se présenter au microphone du studio pour un enregistrement de qualité.
Le matériel collecté est donc plein d’imperfections, de parasites, de défauts (sans parler du « bavardage » si caractéristique dans la Nature). Par contre, ce que la nature nous enseigne musicalement est exceptionnel pour un musicien. La nature dépense son énergie que parcimonieusement (si le 1 représente le son et le 0 le silence, dans les
alternances des 1-0, les 1 sont presque toujours plus petits que les 0, que ce soit au niveau microscopique ou
mésoscopique, sans parler du niveau macroscopique). Les sons articulés sont aérés, légers (c’est presque du silence articulé). De la sorte, la Nature évite toute fatigue auriculaire (le sens auditif est au plus vif) et n’émet pas de brutalités sonores. Les « fades in et out » sont spécialement raffinés et pratiqués par la majorité des oscines. La Nature évite aussi les sons statiques et figés. Certains oscines (comme le rossignol) émettent des « fades in » imperceptibles pour un auditeur humain (on perçoit les sons, après leur « fade in »). Ceci évite tout choc sonore inconscient. Dans la Nature, les sonorités sont émises en multiphonie et l’espace est fondamental dans la perception (cette distribution spatiale dans les trois directions est une merveille de musicalité).
Les oiseaux, les insectes et les batraciens possèdent des secrets sonores qui sont des joyaux pour un musicien. L’architecture d’Aviformes se présente sous la forme de sept séquences composées comme des miniatures (microformes délicates, précision et vélocité des formes, complexités horizontales et verticales, phraséologie en synchronisme avec les chants) imaginées comme une nouvelle nature sonore musicale.
Pour l’écoute de cette œuvre, il est préférable de mesurer l’intensité de cette écoute à partir du niveau de la chanteuse (elle doit paraître naturelle), parce que les spectres des sons d’oiseaux peuvent grimper dans le champ des fréquences (les fréquences entre 6 kHz et 10 kHz, à niveau moyen, sont encore perçues par les jeunes oreilles !).
Plus les niveaux seront faibles, plus des sons disparaîtront à l’audition.
Les émotions qui naissent des sons de la nature ne sont pas sentimentales : c’est un autre type d’émotion qui apparaît (énergie, netteté, vitesse …). C’est, en quelque sorte, un nettoyage mental.
KAMANA. 2009. 13:08
For voice, instruments and electronics
Vocal expression and singing: Anna Maria Kieffer
The word Kamana comes from a permutation of the singer’s name. The vocal expressions and songs in Kamana were not composed in polyphony but in multiphony (polyphony is based on rhythmic counterpoint that follows its own laws). In the first sequence this multiphony presents as many as seven
superimposed voices placed in the horizontal stereophonic axis. The material consists of spoken, recited and sung elements and everything in between. The basic form of the work consists of four sequences – Chlong chlung 3’19” ,
Tamaré 3’25”, Huimi 2’57” and Kôlingèlélong 3’27” – each of which develops its own particular musical state.
Kamana recalls different aspects of Brazil, the singer’s homeland, and references to its indigenous and African culture are obvious, and though the compositional style of Kamana is for the most part European, it also integrates world instrumental and electronic sounds.
In this work, four types of treated material are involved : voices (abstract language), instrumental sounds from around the world, electronic sounds, and electronic sounds that emanate from the treated voice. The ensemble is largely
composed over stereophonic horizontal lines, as if it were a separate composition, and over planes of proximity and distance (through multiple compositional planes). The composition of a subtle synchrony links the composed voices to the accompanying sounds creating a complex of transitional or evolutionary fluctuation. The composer’s research
evolves through the creation of entropy and a constructed, non-fractal complexity, suggesting a preference for asymmetry – or permanent allusions to sonic nature – and a desire to bring order out of disorder.
In Kamana, although sounds such as metal, wood and various electronic sounds come from modern life, through their compositional treatment they refer us to aspects inherent in the plant and animal kingdoms. In connection with this
assembled complexity, numerous psycho-acoustic phenomena, such as sounds perceived as real, sounds perceived only once they are removed, sounds not perceived although present, and so on, are explored through techniques of masking, spreading, mutation and delicate sonic attraction-repulsion forces. These occur not only in the domains of timbre, pitch and dynamics, but also and mostly in the areas of real or virtual spatial perception.
Intense interpretation of the songs and instrumental parts was realized at the computer. In order to accurately hear all the parameters, it is preferable that Kamana be listened to on a well-regulated high fidelity sound system with proper equalization settings for dynamics and timbre. An adequate and appropriate distance between the channels should be established and the immobile and concentrated listener should be seated at the center.
KAMANA. 2009. 13:08
Oeuvre pour voix, sons instrumentaux (MIDI)
Expression vocale et phonémique : Anna Maria Kieffer
Kamana : ce mot abstrait est dérivé du nom de la chanteuse. Cette composition expérimente la polyphonie vocale pour une seule et même chanteuse (dans la première séquence, par exemple, jusqu’à 7 voix se superposent). Mais qui dit polyphonie oblige l’acceptation des règles contrapuntiques polyphoniques.
Dans Kamana, nous pourrions plutôt parler de composition pluriphonique, car la liberté de composition est plus large et surtout plus ouverte (expérience des dissonances passagères). Ce qui frappe dans cette oeuvre c’est l’imagination chantée dans la création des phrases abstraites (car dans Kamana, tout est abstrait : c’est-à-dire, comme dans presque toutes les oeuvres vocales du compositeur, il ne faut pas chercher de signification sémantique même pas pour les mots).
La force de ces phonémisations et de ces vocalisations (d’un naturel expressif exemplaire) provient avant tout d’un savoir intuitif et imaginatif de la chanteuse, d’une énergie spirituelle qui coule, avec naturel, directement du cerveau de la chanteuse à travers le microphone dans l’ordinateur. Il est rare d’arriver, par le travail, par l’intelligence, à une telle liberté dans l’expression. Liberté technique, liberté mentale, sciences des formes et des assemblages :
imagination et fluidité des discours abstraits (rares sont les êtres qui, par la parole et le chant, atteignent ce niveau d’expression par l’inintelligible). Cette expression va du parlé au récité et au chanté, non pas d’une façon discontinue, mais surtout d’une manière transitive ou évolutive. Nous y écoutons des influences brésiliennes, comme celle des chants venus (par l’esclavagisme) de l’Afrique, celles des multiples ethnies des indigènes brésiliens (si riches et si juste dans leurs interrelations avec l’histoire ethnique et leurs milieux naturels).
Kamana c’est aussi un savoir d’organisation et de composition musicale avec une interprétation délicate, voire raffinée. La forme de la composition est basée sur 4 parties spécifiques, chacune libérant un état particulier de l’expression chantée. La partie électronique et instrumentale enveloppe la réalité psychique de ces phrases vocales par le choix des sonorités (timbres), par les rythmes ou par la complexité modulée. Les sons instrumentaux bien que de provenances multinationales apparaissent dans de nouvelles combinaisons (en subissant les transformations numériques). Ils se colorient par voisinages. Les sons électroniques proviennent de logiciels de génération et de transformation (Plugs-in, Audiomulch, Synplant…). Voix et sons électroniques créent une union compositionnelle, une entité complexe dont le but est bien de submerger l’audition en façonnant ainsi une quantité d’inconscient sonore pour le bien du mental et le développement positif de l’organe auditif.
WORDS ON TONGUE, WORDS ON LIPS. 2005 & 2006. 15:45
Works for monastic sounds and electronic instruments
These two works form a diptych and are the natural continuation of the research developed in Litanéa and Lumière sans ombre. In the case of Paroles sur langue and Paroles sur lèvres, it is the marriage of three quite different techniques that is experimented with. First the vocal, starting from Orthodox chants, which constitutes the basis of the compositions (creation of new vocal forms).
Starting from these voices, parallel sounds are created by electronic transformations, synchronous or not, ranging from the intelligible to the abstract. A second part of research constitutes the use of a majority of MIDI sonorities (synthesis of eastern and western instruments). Finally, a third level of synchronous sonorities composed in keeping with the first two levels comes from digital programmes. The whole work is divided into eight sequences separated by silences of unmaskings.
The thickness of the sound materials means that certain sounds, as such, are sometimes inaudible but perceived if removed from the composition (changes of rhythm or sound colour). The musical forms and their structures, like architecture in general, are particularly precise.
Interpretation represents the largest part of the musical work since this parameter is, with the computer, particularly sensitive, hence the importance of high-quality diffusion and very precise stereophonic adjustment (in order to clearly read the spatial composition work).
In the Orthodox ritual, only music of human origin (spoken or sung) is accepted, all instrumental sound (so other than sounding bodies) is expelled outside the church. This obviously raises the problem of humanism in the new technological music, which is, above all, lay. In this current music, we can quite well transform vocal (‘religious’) sounds into a totally abstract matter (and, in this case, they should be accepted as ‘religious chants’).
In fact, ‘religiosity’ is as old as mankind (Man as religious animal). Nowadays, we could speak of Man as scientific animal. The fact remains that, for all human beings, there exist emotions, mental and spiritual states, which are situated on a growth scale, and we cannot, for technical reasons, lower the levels of this scale.
PAROLES SUR LÈVRES, PAROLES SUR LANGUE. 2005 & 2006. 15:45
Oeuvres pour sons monastique et instruments électroniques
Les deux oeuvres constituent un diptyque. Ces oeuvres sont la suite naturelle des recherches développées dans Litanéa et Lumière sans ombre. Dans le cas des Paroles sur langue et Paroles sur lèvres, c’est le mariage de trois techniques bien différentes qui sont expérimentées.
D’abord le vocal, à partir des chants orthodoxes, qui constitue la base des compositions (création de nouvelles formes vocales). À partir de ces voix, des sons parallèles sont créés par transformations électroniques synchrones ou pas, de l’intelligible à l’abstraction. Une seconde partie de recherches constitue l’usage d’une majorité de sonorités MIDI (synthèse des instruments d’Occident et d’Orient). Enfin, un troisième niveau de sonorités synchrones composées en fonction des deux premiers niveaux provient des programmes numériques. L’ensemble de l’oeuvre se divise en 8 séquences séparées par des silences de démasquages. L’épaisseur des matériaux sonores fait que certains sons, comme tels, sont parfois inaudibles, mais perçus s’ils sont enlevés de la composition (changements rythmiques ou changements de couleur sonore). Les formes musicales et leurs structures, comme l’architecture générale, sont particulièrement précises.
L’interprétation représente la plus grande partie du travail musical puisque ce paramètre est, avec l’ordinateur, particulièrement sensibilisé, d’où l’importance d’une diffusion de haute qualité et d’un ajustement stéréophonique très précis (afin de lire clairement le travail de composition spatiale). Dans le rituel orthodoxe, seule la musique de provenance humaine (parlée ou chantée) est acceptée, tout son instrumental (autre donc que les corps sonnants) est rejeté hors de l’église. Ceci pose bien le problème de l’humanisme dans la musique technologique nouvelle. Celle-ci est avant laïque.
Dans cette musique actuelle, nous pouvons fort bien transformer les sons vocaux (religieux) en une matière totalement abstraite (et dans ce cas, ils devraient être acceptés en tant que chants « religieux »). En fait, la « religiosité » est vieille comme l’humanité (l’homme comme animal religieux). On pourrait parler, à ce jour, de l’homme comme animal scientifique. Il n’en reste pas moins que pour tous les êtres humains, il existe des émotions, des états mentaux et spirituels qui se situent sur une échelle de croissance et nous ne pouvons pas, pour des raisons techniques, abaisser les niveaux de cette échelle.
SANTUR AND OSCINES (Tchahargah). 2012. 14:32
Composition, performance and recording: Leo Kupper
Electroacoustic music for santur, tablas, tombak and oscines (songbirds)
The parallelism between the santur and songbirds tends to show that, for a certain part, music is born from listening to the songs of birds (and this, over thousands of years). The bird world uses all kind of intervals found in historical human music (including intervals yet not used). They have strongly influenced human culture in its progressive creation of music intervals, durations (rhythmes) and sound colors.
In these composed dualities, it is possible to understand the mechanisms of transferring birdsongs to human music. Birds improvise constantly from their original matrix (given by Nature in relation to their species) from a minimum to a maximum of information. Their field of expression, since their appearance on earth (even before human) is immensely rich. Music has, in history, found so many models in this cultural gift (world of complex sounds, harmonic, filtered impulses or noises).
This composition is a demonstration of the musicality of birds (natural birds and electronic birds).
Throughout the history of music, reference to birdsong has been made by composers including Janequin, Couperin, Mozart, Beethoven, Messiaen and many others… They constructed their compositions by imitation of intervals, modulations and transpositions. This transfer from Nature to music is firstly abstract and has nothing to do with the reality of bird songs (today, with recording in Nature, the approach is much more faithful).
Before creating this Santur/bird parallelism, a basic question was obvious: What range or intervallic scale could best corresponds to the synchronisation of most birdsong? We had already noticed that birdsong in Arab countries is expressed through a microtonal interval system; some birdsongs of Greece recalled the music of ancient Greece; and birdsong in China corresponds to their pentatonicmusic/scale…
In this work, I opted for a Persian scale: Tchahargah. And it’s amazing how almost all birdsongs areselected have correspondences in this scale (Dastgah)! This scale has two similar tetrachordssuperimposed that are close enough to the variety of intervals of bird songs in the world. In fact, all these songs, with many exceptions, are not too remote from the intervals of our scales.
There are other advantages for music in listening to birdsongs: the refinement and wide variety of sound envelopes. Any music can take as a model the richness of bird sounds as envelopes.
There exist a perfect respect of the human auditory system (that is not the case with loudspeaker music today). No sound should hurt hearing and the listening area of the brain or tire hearing at the risk of hearing or mental regression. For if a sound world has allowed the creation and development of the human hearing, it is the result of those millions of birdsongs that have been listened to by millions of human beings throughout history.
Let us not forget that this hearing develops only if we respect it. Any contempt, any aggression towards it creates its regression or even destruction. That is the message that must be remembered.
Nowhere else, as much as in Nature, is the spatial parameter as developed, a sure model for all future musicians.
SANTUR ET OSCINES (Tchahargah). 2012. 14:32
Musique électro-acoustique pour santur, tablas, tombak et oscines
Composition, interprétation, enregistrement : Leo Kupper
Réalisé avec l’aide de la Communauté Française, Direction Générale de la Culture, Secteur de la Musique
Le parallélisme entre le santur et les chants d’oiseaux (oscines : oiseaux chanteurs) tend à démontrer que, pour une certaine part, la musique est bien née de l’écoute des chants d’oiseaux (et cela, à travers des centaines de milliers d’années) et que ceux-ci, utilisant tous les intervalles des musiques de l’histoire humaine (y compris des intervalles encore jusqu’à ce jour inutilisés), ont fort influencé les hommes dans leur création progressive de la musique d’intervalles, mais aussi de timbres et de durées. Dans ces dualités composées, il est possible de comprendre les mécanismes de transfert des chants d’oiseaux vers la musique humaine. Il faut savoir que les oiseaux improvisent constamment à partir d’une matrice d’origine des espèces qui leur est imposée par la Nature et que ce carcan sonore limité (d’une limite minimale à une limite maximale, voire aléatoire, toujours en très lente évolution) est leur terrain d’expression depuis leur apparition sur la terre, et cela avant même celle des hommes. Même la musique électronique y trouve ses modèles (monde des sons complexes, à impulsions ou à bruits). C’est donc une démonstration que présente cette oeuvre : la musicalité des oiseaux (oiseaux naturels et oiseaux électroniques). À travers l’histoire de la musique ont trouve des compositeurs se référant aux chants d’oiseaux tels Janequin, Couperin, Mozart, Beethoven, Messiaen et tant d’autres … (références avant tout à l’utilisation de certains intervalles et à certaines modulations en général simplifiées : seuls des enregistrements en Nature reproduisent avec une certaine fidélité ces chants). Avant de créer ce parallélisme Santur-oiseaux, une question de base s’imposait : quelle gamme, ou quelle échelle d’intervalles pouvait correspondre le mieux à la synchronisation de la plupart des chants d’oiseaux. On avait déjà remarqué que les chants d’oiseaux des pays arabes (notamment le Sirli du désert) s’exprimaient à travers une gamme à microtons, que certains chants d’oiseaux de la Grèce rappelaient les gammes de la musique grecque ancienne, que les chants d’oiseaux de la Chine correspondaient à leurs musiques pentatoniques,… Dans cette oeuvre, j’ai opté pour une échelle persane : Tchahargah.
Et c’est étonnant combien presque tous les chants choisis trouvent des correspondances dans cette gamme (Dastgah) ! Cette gamme présente deux tétracordes superposés semblables qui se rapprochent assez de la variété des intervalles des chants d’oiseaux du monde. En fait, tous ces chants, avec beaucoup d’exceptions, ne sont pas trop éloignés des intervalles de nos gammes. Il y a d’autres avantages de l’écoute des chants d’oiseaux pour la musique, c’est la finesse et la grande variété des enveloppes sonores. Il n’existe pas d’enveloppes si riches et si raffinées que celles-ci et la musique technique actuelle peut prendre comme modèle toute cette variété d’enveloppes sonores qu’aucun instrument musical ne permet de reproduire. On apprend avec les oiseaux à redevenir naturel, c’est-à-dire, à respecter d’abord l’organe auditif (aucun son ne peut blesser l’audition ni le cerveau écoutant). Aucun son ne peut fatiguer l’audition sous peine de régression auditive et mentale. Car si un monde sonore à permis la création et le développement de l’audition humaine c’est bien par ces millions de chants d’oiseaux que des millions d’êtres humains ont entendu et écouté à travers l’histoire. N’oublions pas que cette audition ne se développe que si on la respecte. Tout outrage, toute agressivité envers elle crée sa régression, voire sa destruction. Voilà le message que l’on peut retenir. Nulle part aussi, autant que dans la Nature, le paramètre spatial est aussi développé, modèle certain pour tous les musiciens du futur.
From Leo Kupper …
For their participation in this recording, all our thanks to the singers who gave the best of themselves:
to Anna Maria Kieffer for her sincerity in the phonetic and vocal expression, and to Barbara Zanichelli
for her precision and sensitivity
I would also like to thank Hossein Malek (who died too young) who was the exemplary master of the Santur
My gratitude, too, to Henri Pousseur, my first guide in electronic music
Thanks to Olivier Doncq for his technical participation
Cover and inside designs: BySergio
Portrait of Leo Kupper and GAME: BySergio
Design: Rachel Jacquard / www.racheljacquard.com
English supervisor and translation: John Tyler Tuttle / quidnunc@wanadoo.fr
Production: Studio de Recherches, Brussels
Sound concept by Megadisc Classics
Produced by Serge Thomassian. ‘May we never forget the victims of 22 March 2016 in Brussels’